Kinia Adamczyk, Agence QMI
Texte original: Journal de Montréal
Elena Prokhovnick dit avoir contacté Hydro-Québec au moins à trois reprises, mais on lui a répondu que sa situation «n’était pas urgente». |
MONTRÉAL - Invasion de rats, insalubrité, refoulement d’égout, contaminations, odeurs nauséabondes: une famille montréalaise vivant cet enfer depuis 2007 réclame maintenant 200 000 $ en dédommagements à Hydro-Québec et l’entreprise Lanauco dans une poursuite devant la Cour supérieure du Québec.
Lors de l’installation d’un poteau d’ancrage à plaque pour le compte d’Hydro-Québec il y a trois ans, Lanauco aurait endommagé et bloqué le conduit d’égout reliant le système de canalisation de la Ville de Montréal et la maison d’Elena et Praskovia Prokhovnick et Stanislav Kossenko, située à quelques pas du métro Lionel-Groulx.
La situation a «clairement mis en péril la santé mentale et physique des demandeurs», selon des documents obtenus à la cour.
Praskovia, la résidante la plus âgée de la maison, avait tellement peur d’une autre invasion de rats qu’elle n’arrivait pas à dormir et refusait de demeurer au rez-de-chaussée.
Elena dit avoir contacté Hydro-Québec au moins à trois reprises, mais on lui a répondu que sa situation «n’était pas urgente».
Aujourd’hui, la famille subit encore les conséquences du bris: les portes d’entrée sont entièrement bloquées par un fossé servant à la décontamination des sols et fondations de la maison sur la rue Bourget, à la suite des écoulements d’eaux usées en dessous de la maison.
C’est seulement en 2009, lors d’importants refoulements d’égouts, que la famille a découvert que le conduit brisé était à l’origine de tous ses maux. La Ville de Montréal lui a suggéré d’embaucher une entreprise d’excavation pour enquêter.
L’entreprise a alors pointé du doigt les travaux réalisés pour Hydro-Québec, selon la plainte des Prokhovnick.
Ce n’est qu’en mai 2010 qu’Hydro-Québec a finalement révélé que c’est Lanauco qui a réalisé les travaux pour son compte. La famille a alors entamé sa poursuite.
Hydro-Québec et Lanauco nient les allégations de la famille, et refusent de prendre responsabilité pour les dommages et de payer les 150 000 $ en frais de réparations et 50 000 $ en dommages moraux exigés.
Elles soutiennent que les travaux d’installation ont été réalisés «avec prudence, diligence, compétence et conformément aux règles de l’art [et que] seuls les demandeurs savaient où se trouvait la conduite de renvoi de leur immeuble.»
Les compagnies effectuant des travaux d’excavation dans la province de Québec peuvent faire appel aux services gratuits d’Info-Excavation, qui établit la présence d’installations souterraines de ses membres, dont font partie Hydro-Québec, Bell Canada et plusieurs arrondissements, mais pas la Ville de Montréal, où habite la famille.
Info-Excavation n’a pas voulu nous remettre les documents reliés au dossier en question à cause «d’ententes de confidentialité». Mais elle a confirmé que Lanauco l’avait contactée pour les travaux sur la rue Bourget en janvier 2007 et que l’entreprise avait été informée de la présence d’infrastructures appartement à Hydro-Québec, Bell Canada, Gaz Métropolitain et la Commission des Services Électriques de Montréal.
Et le conduit d’égout?
«Il y a personne que je connaisse qui soit habilité dans nos membres à trouver l’emplacement de ce drain-là», a expliqué le directeur général d’Info-Excavation, Robert Jutras.
Quant au président de Lanauco, Jean-Claude Mailhot, il s’est dit «navré» qu’il y ait de tels incidents. «Pour l’ensemble… notre travail au quotidien est d’essayer d’enrayer [les dommages]», a-t-il ajouté, ne souhaitant pas commenter le cas de Mme Prokhovnick en particulier.
La dame n’a pas voulu commenter pendant que la cause est devant la cour, mais elle nous a montré les travaux de décontamination ainsi que des photos des dommages.
Selon une porte-parole d’Hydro-Québec, Stacey Masson, c’est à Lanauco que revient la responsabilité de tout dommage.
Presque 500 000 $ en dommages
Hydro-Québec affirme enregistrer en moyenne 18 plaintes chaque année ressemblant à celle de Mme Prokhovnick.
Quant à Lanauco, ce n’est pas la première fois qu’elle cause des dommages lors de travaux, selon des documents obtenus par l’Agence QMI.
Depuis 1995, 12 autres poursuites totalisant 457 035$ ont été entamées au Québec contre la compagnie de Saint-Alexis-des-Monts, incluant d’autres tuyaux de canalisation brisés. Dans certains cas, les poursuites visaient également Hydro-Québec et d’autres entrepreneurs.
Même Bell Canada a poursuivi l’entreprise à quatre reprises pour dommages à ses installations téléphoniques.
Hydro-Québec a également poursuivi la compagnie en 2007, pour un montant de 99 662,81 $. Une porte-parole d’Hydro-Québec, Flavie Côté, a dit que la cause a probablement été réglée hors cour et que les détails doivent donc rester confidentiels. Elle a souligné qu’Hydro-Québec faisait des inspections de manière aléatoire sur les travaux effectués par des entreprises.
«Même le meilleur cuisinier casse des œufs dans son omelette», s’est défendu le président de Lanauco, Jean-Claude Mailhot, expliquant que c’est parfois un manque d’information ou la maladresse d’un employé qui est la cause des dommages.
Robert Jutras, directeur général chez Info-Excavation, qui connaît la compagnie depuis au moins huit ans, a affirmé qu’elle est «n’est pas frivole… et généralement responsable». Lanauco réalise en moyenne 1500 travaux par année depuis 10 ans pour Hydro-Québec, qui dit avoir de «bonnes relations d’affaires» avec la compagnie.
Sept des treize poursuites, dont celles entreprises par Bell, ont finalement été réglées hors cour.
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