Tuesday, October 12, 2010

Le programme d'évaluation du Barreau : de l'« absolutisme »?


 

Kinia Adamczyk / Agence QMI

Le processus d'évaluation de l'École du Barreau du Québec instauré en 2005 est plus que rentable. Mais il exaspère certains avocats en herbe, qui déplorent qu'on les laisse dans le noir quant aux raisons de leurs échecs aux examens.

Plusieurs se plaignent du nouveau système reconnu pour son niveau de difficulté, selon une enquête de l'Agence QMI.
Depuis 2005, au grand dam des élèves, les examens, les grilles de correction et les corrigés ne sont plus rendus publics. La raison? L'École du Barreau désire « que les questions d'examens puissent être réutilisées » pour réduire ses coûts.

Mais Meena Khan, une élève de l'École, s'en plaint – devant les tribunaux.

Elle trouve le nouveau système d'évaluation tellement injuste qu'elle a porté plainte en Cour supérieure. Et elle a obtenu gain de cause – en première manche, du moins, puisque le Barreau a interjeté appel.


Tout en serrant la vis aux élèves, le nouveau processus a permis au Barreau de quasiment doubler ses revenus en droits de scolarité : ces derniers sont passés de 1,9 million $ en 2004 à 3,4 millions $ en 2009, une augmentation de 76 %.

Le Barreau explique cette hausse par celle du nombre d'étudiants et par les frais d'inscription aux cours préparatoires. Toutefois, il refuse de fournir ou de commenter des statistiques détaillées concernant les inscriptions à son programme et les échecs.

Depuis 2005, la durée de la formation professionnelle à l'École est passée de huit à quatre mois. Pour accéder au stage et à la profession d'avocat, les élèves paient plus de 4000 $ pour suivre la formation de l'École et passer ses examens. Avant 2005, il y avait six examens à « livre ouvert ». Maintenant, il y a une évaluation finale, à « livre fermé ».

Des cours préparatoires additionnels sont aussi disponibles moyennant 700 $ de plus.

Ce nouveau programme intensif de quatre mois déplait à plusieurs. « Je ne pense pas que ce soit la meilleure formation qu'on puisse donner à un étudiant. Huit mois seraient plus productifs, pense Raphael S. Barchichat, de l'Association des étudiants de l'École du Barreau de Montréal. Quatre mois, ça ne donne pas la chance à l'étudiant ... de passer à travers la matière . »

Selon Géhane Kamel, avocate de formation et finissante de l'ancien programme, si les gens payent plus de 4000 $ pour la formation actuelle, c'est un minimum que d'obtenir le corrigé de leur examen, comme ce fut le cas pour elle.

Meena Khan partage cet avis.

Comme elle, plusieurs de ceux qui ont subi l'examen de reprise ont connu un deuxième échec. Ils ont dû repayer la documentation et reprendre les cours préparatoires et la formation professionnelle de l'École au complet.

Mme Khan explique dans sa plainte qu'elle n'a pas pu savoir pourquoi elle a échoué puisqu'on ne lui a pas remis une copie de son examen de reprise ni même permis de prendre des notes en le consultant. Ses échecs ont retardé son entrée dans la profession et lui ont coûté plus de 34 000 $ en droits de scolarité et en salaire perdu, soutient-elle.

Mme Khan accuse le Barreau de manque de transparence et estime qu'il cherche volontairement à diminuer « le nombre d'avocats et l'offre de service au Québec, permettant ainsi une augmentation artificielle des honoraires » payés aux avocats.

Le Barreau rejette ces accusations.

Une première victoire

La juge Jeannine Rousseau, de la Cour supérieure, a ordonné au Barreau du Québec de remettre à Mme Khan une copie des documents qu'elle réclamait à la suite de ses échecs.

La nouvelle façon de faire du Barreau au « contrevient aux règles de l'équité procédurale sans justification », a estimé la magistrate.

« Cet allègement recherché l'est au bénéfice du Barreau, non au bénéfice des étudiants », a-t-elle déclaré, en déplorant ce qu'elle a appelé un « absolutisme » motivé par des raisons qui « semblent être financières et de commodité ».

Mme Khan et l'École du Barreau ont toutes les deux refusé de commenter la cause pendant que l'affaire demeure devant les tribunaux. Le Barreau appelle de la décision.

La Cour d'appel entendra l'affaire le 4 novembre.

Les coûts

Pour devenir avocat au Québec, depuis 2005, il en coûte :

- entre 12 000 $ et 16 000 $ en frais de scolarité et en livres pour étudier entre trois et quatre ans à temps plein à l'université en vue d'obtenir un Baccalauréat en droit;

- 4065 $ pour suivre la formation professionnelle du Barreau (quatre mois), réussir des évaluations et un examen final (ce dernier vaut 70 % de la note globale);

- 700 $ pour suivre les cours préparatoires optionnels du Barreau de quatre mois.

Il faut aussi compléter un stage de six mois (habituellement rémunéré).

Si l'on échoue l'examen final et sa reprise, il faut obligatoirement reprendre la formation professionnelle et les cours préparatoires et racheter la documentation.

1 comment:

Mike Boudreau said...

Excellent article Mme Adamczyk. Il est vrai que l'attitude du Barreau peut paraître unilatérale. Certains procédés doivent incontestablement être modifiés. La nature des réponses que l'étudiant doit donner lors des travaux préparatoires aux cours, ainsi qu'aux évaluations notées doit être plus claire. L'étudiant doit savoir comment il peut réussir. S'il advenait qu'un étudiant parfaitement compétent échoue pour une question de correction arbitraire, ce serait une catastrophe. Nous pourrions ainsi dire que le Barreau aura échoué dans sa mission.

Toutefois, je ne crois pas que le Barreau fasse preuve d'absolutisme. La décision que rendra la Cour d'appel attire beaucoup l'attention chez les étudiants de l'École pour l'incidence que pourrait avoir une révision des façons de faire de l'École du Barreau dans ses évaluations. Toutefois, je ne suis pas de cet avis que ce sera avantageux pour les étudiants d'avoir la possibilité d'apporter le corrigé de l'examen ou des notes écrites après la consultation de sa copie. En effet, pour une question de commodité, il est légitime que le Barreau se réserve le droit de ne pas laisser les réponses aux examens circuler. Cette situation rendrait impossible la réutilisation des questions d'examens. À l'évidence, il y aurait la possibilité que des étudiants arrivent aux évaluations en connaissant déjà les questions et les réponses. En gardant les questions confidentielles, l'étudiant est assuré de se voir poser des questions de qualité, puisque ce seront des questions qui auront été réussies ou échouées dans des proportions raisonnables. Nous imaginons mal que le Barreau réutilise des questions qui ne respectent pas certains critères. C'est dans l'intérêt du Barreau d'avoir des juristes qualifiés.

Merci de vous intéresser à cette question!